Provoquer une expérience ludique et interactive de la géométrie, accessible au premier regard, voilà ce que l’artiste souhaite. Bénéficiant d’une exécution chérie et maîtrisée, ses œuvres se situent dans un espace où fonctionnalité rime avec esthétique, questionnant ainsi les limites de la peinture. Sarah Benslimane entend problématiser le caractère trivial d’une œuvre d’art, qui peut aujourd’hui être considérée comme un objet décoratif ou même un accessoire ornemental, et se trouver autant dans la familiarité d’un espace domestique que dans la froide monumentalité de l’institution. Influencée par des artistes comme Judd ou Mosset, Benslimane redéfinit joyeusement la relation que les spectateur·rice·x·s entretiennent avec une œuvre, cherchant constamment des moyens de stimuler leur implication mentale et visuelle. Elle cherche également à questionner le fétichisme patriarcal des matériaux luxueux et des procédés plastiques complexes ayant toujours été associés à l’histoire de l’abstraction: ainsi la fibre de verre est remplacée par du papier-mâché et des bassins élégants sont à présent pervertis par des pompes à eau ’premier prix’. Couleurs acidulées, formes agressives, slogans autoritaires, fini ‘glossy’ ou encore surfaces confortables sont les ingrédients utilisés pour créer une rencontre magique entre l’œuvre et celui qui la regarde. Grâce à une exécution consciencieuse et appliquée, ses travaux peuvent sembler faux, comme s’ils venaient de sortir d’une usine IKEA. Toutefois, restez concentré·e·x·s et ne manquez rien: tout est authentique, profond, altruiste mais il y a toujours un espace pour la maladresse et l’erreur. Le travail de Sarah tend vers une forme d’inclusivité dans la mesure où il propose des motifs accessibles, à l’instar de morceaux de mosaïques, de jouets pour enfant ou de symboles passés de mode venus tout droit des années 2010 ayant donné forme à des tatouages qu’on aimerait pouvoir effacer. Sarah ne cesse d’inventer des moyens pour que nous lui accordions notre confiance et pour nous inclure dans sa vision créative, car, au final, c’est de nous qu’il s’agit.
Marguerite Mikanowski
Sarah Benslimane (1997) est une artiste d’origine française, algérienne et suisse. Elle vit et travaille à Genève. Après des expositions collectives à Karma International ou encore à Fri Art, The Way We Trust est sa première exposition personnelle.